Les trop bavardes, celles qui parlent pour ne rien dire, me fatiguent, je le concède et n’y peux rien, mais je sais me contenir.
J’ai eu à la subir une première fois en redescendant à pieds de Notre-Dame de la Fourvière. C’était en automne 2000. Elle faisait partie des quelques courageux de l’Association qui avaient décidé d’entreprendre le chemin retour par les escaliers.
Ce n’est pas tant la fissure du ménisque de mon genou gauche qui en résulta qui m’indisposa, que l’incontinence verbale dont elle fit preuve tout au long de cette descente. Elle n’arrêta pas une seule seconde durant le parcours. Si encore j’avais compris le quart de ce qu’elle racontait... mais son incohérence et sa cadence orale étaient à l’image de la pente ... vertigineuses !
J’espérais ne jamais plus rencontrer Mademoiselle Lalomanie lors des déplacements à venir de l’ADAMEX * . Je scrutais la liste des participants avec une certaine hantise lorsqu’il s’agissait de s’inscrire pour une nouvelle sortie et pendant près de deux ans je ne l’ai pas côtoyée.
Ce printemps 2002 le but du voyage était Liège et l’ascension des escaliers qui mènent à la montagne de Bueren. Mon ménisque avait été réparé depuis et je me réjouissais de cette excursion.
Nous devions nous retrouver au bas des marches ce jeudi matin . Le mois de mai embaumait autant le lilas que fleurait bon la découverte d’un lieu exceptionnel. Il faisait beau et doux... je me sentais d’humeur allègre, malgré un horoscope des plus détestables, entendu pendant le trajet... Je ne crois pas aux horoscopes, j’en ris et je n’y fais pas attention.
Je l’ai vue arriver guillerette et radieuse, me sauter dans les bras en frétillant et l’ai entendu dire : “je me suis mariée - belle surprise pas vrai ... vous ne pensiez pas me voir aujourd’hui... ah ! quel bonheur, nous allons gravir ces marches ensemble... et nous souvenir de ce somptueux moment à Lyon, j’ai tant à vous raconter” .
J’ai esquissé un sourire jaune et sans rien dire , je n’en avais pas le loisir, j’ai commencé à entamer la montée en sa compagnie. Pendant toute l’escalade je lui ai prêté une oreille distraite ce qui, en général, n’est pas dans mes habitudes. L’évasion de mes pensées a permis à mon esprit saturé de resonger aux paroles de Mâme Soleil :
“Pour les natifs de la Vierge, journée pénible en perspective. Un Poisson tentera de vous accaparer alors que vous n’aspirez qu’à vous élever. Soyez ferme dans votre (dé)marche, ne pliez pas, n’écoutez pas, continuez à avancer vers votre objectif de la journée , ne vous laissez pas noyer”.
Je n’ai pas osé demander à Madame Javotte sous quel signe elle était née. Je n’en aurais d’ailleurs pas eu l’occasion. Aucun blanc dans sa loghorrée ne me l’eût permis.
Un rafraîchissement s’imposait à l’arrivée et je n’ai pas pu éviter de m’attabler avec elle. Suis-je faible ou trop gentille ? ou les deux qualificatifs sont-ils synonymes ? J’ai failli parler pour commander une boisson. Mais non ! “Deux sodas garçon !” et de continuer : “ les Poissons sont intuitifs et gais alors qu’on les prétend muets et taciturnes...” et bla et blablabla...
Au fait, l’horoscope, vous y croyez ?
* ADAMEX : Association des Amateurs de Marches et Escaliers exceptionnels
(l’histoire est évidemment imaginée, mais j’ai vu,
les escaliers sans toutefois les gravir !)